L’automne, les premiers jours, la pluie et le vent envahissent Bruxelles. Un peu plus d’un millier d’activistes venus de toute l’Europe campent dans la boue et sous le hangar de Tour et Taxis dans un quartier populaire proche du centre-ville aux mots d’ordre No Border, « No Nation, Stop Deportation ».

Une semaine de rencontres avec des délégations du monde entier et les nombreux sans papiers de la capitale européenne, dont les demandes d’asiles ont été gelées depuis que la Belgique n’a plus de gouvernement.
Plus de gouvernement, mais encore une administration et une police. Un déploiement exceptionnel accueille les « No Border ». Des unités de toutes les municipalités du pays réquisitionnées, l’intégralité des forces fédérales de maintien de l’ordre sur le pied de guerre, une caserne transformée en geôle géante, un dispositif digne des contre-sommets avec ses barrages, ses contrôles, ses sirènes, ses hélicos…
Bien sûr, au milieu des nombreux débats et ateliers, concerts et échanges de savoirs, il y a des volontés d’actions. Un jeu est proposé aux groupes affinitaires, une chasse aux zombis visant à polluer la tranquillité des technocrates et lobbys et quelques manifestations.

La première a lieu dès le lundi, devant le centre de rétention du 127 bis [1]. Des clowns, une fanfare, tout ce qui peut faire du bruit afin que les familles détenues sachent que tou-te-s ne les abandonnent pas. Du chocolat, des clopes, des cartes de téléphone et des carnets de timbres sont prévus pour franchir le mur. Des projectiles bien trop dangereux sans doute.
Une centaine de manifestants sont coincés dans un escalier à la sortie de la gare, le cortège privé d’avancer, de reculer, finalement encerclé et ramené au rythme de la cavalerie et des coups de matraques bien avant d’atteindre le centre.

Le mercredi, un Bloc Critique doit rejoindre la manif intersyndicale européenne contre le sommet Ecofin [2]. Près de 100 000 manifestants battent le pavé, l’extension de « l’Austérité » grecque à d’autres pays européens est à l’ordre du jour. Precarious United [3] a négocié la place avec l’intersyndicale. La police aussi, a négocié avec l’intersyndicale.
Les clowns sont arrêtés dès la sortie du camp, comme les groupes arborant drapeaux noirs et rouges et noirs. En queue de cortège, les brigades de maintien de l’ordre jouent, arrêtent des gens, les relâchent ou pas, insultent d’autres, bloquent des activistes, une batucada, puis les poussent violemment vers le cortège.
Une délégation de l’intersyndicale veut interpeller le commissaire en charge de la manif mais se fait jeter avant toute doléance. Le service d’ordre de la FGTB [4] se mobilise enfin… et rejette les « No Border »… ainsi que ses propres membres refusant les ordres.
300 personnes sont encerclées par 500 policiers matraquant à l’aveugle, pulvérisant du gaz au poivre à ceux tombés et au final, les embarquant tous et toutes. La chasse continuera dans les rangs des syndicats contre ceux et celles ne portant la bonne chasuble ou le bon fanion, le SO de la FGTB contenant ses propres adhérents.

Au moins 150 arrestations « préventives »

Le vendredi, une manifestation non autorisée, indépendante du No Border, est appelée gare du Midi. Le bruit se répand d’un autre rendez-vous Porte de Hale une heure plus tard. Tout rassemblement de plus de cinq personnes est interdit dans ces zones. L’odeur évidente de traquenard se fait consistante. Les policiers aux abords des stations de trams contrôlent les groupes comme les isolés, avouant une discrimination au faciès.
La jeunesse d’une association judaïque de retour d’une sortie se fait rafler, à l’ancienne. Tous les moins de 25 ans, les sportifs, les chevelus, les looks aux habits trop colorés ou trop sombres, les promeneur-euse-s de chiens, les cyclistes, les lecteur-trice-s de journaux, les fumeur-euse-s, les porteur-euse-s de sacs à dos, sont considérés comme suspect-e-s, menotté-e-s, assis en ligne et embarqué-e-s. Les passant-e-s plus matures freinant leur marche, par curiosité ou indignation, se font écarter à coup d’insultes, de menaces voire de matraque lorsqu’il-elle-s ne suivent dans les fourgons.

Dans les cellules, toute cette semaine, la police belge s’est décomplexée. Insultes, brimades, coups, confinement, harcèlement… Les femmes, notamment, se firent reprocher leur engament ou simplement leur présence. Les propos sur leur physique, leur vêtement, leur hygiène se multiplièrent comme les gifles au moindre regard jugé insolant. Les attouchements sexuels se firent banaux. Celles qui se plaignirent furent tirées des cellules et rouées de coups de bottes. Des fouilles à nu leurs furent exigées. Au moindre signe d’hésitation devant la fonctionnaire, cette dernière appelait des collègues mâles afin de procéder aux déshabillages forcés exercés avec zèle, les policiers simulant parfois un viol en riant de leur toute puissance.

Ces arrestations préventives, cette licence laissée au bras armé de l’État régalien entrent dans une stratégie de la peur recherchée par nos dominants. La police est une violence de fait, tout-e anarchiste en est convaincu-e et nous serons à l’évidence de plus en plus nombreux-ses à en subir les illustrations.
Nous pourrions débattre longtemps, et nous le ferons, de la pertinence d’en appeler à la restauration de l’État de droit et l’arbitrage de la Justice bourgeoise. Elle n’a pas besoin d’être vendue ou corrompue pour être aux ordres. Nous ne pouvons que douter des bienfaits des réparations qu’elle propose. Mais nous ne pouvons qu’être solidaire de ceux et celles qui font ce choix et peser dans le rapport de force.
Aujourd’hui, quatre personnes sont encore en prison, suspectées d’un jet de pierre contre un commissariat. Vous pouvez, pour ceux qui le veulent, apporter vos témoignages ou vous joindre aux plaintes déposées en contactant la Legal team : juridixnbc@vluchteling.be ou manifester votre solidarité en joignant l’AG du No Border : nobordercamp@vluchteling.be

Olivier, participant à la Legal team