Article écrit par un militant de Bordeaux et paru dans le Combat Syndicaliste n°231 – janvier/février 2011.

Notre nouveau super flic s’appelle linky. Pour les novices, c’est le doux nom du futur compteur électrique d’EDF défini ainsi par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) :

“Les « compteurs intelligents » se différencient des compteurs traditionnels par leur capacité à transmettre de façon électronique les index de consommation à l’opérateur de réseau. Les réseaux intelligents utilisent des moyens informatiques évolués afin d’optimiser la production et l’acheminement de l’électricité grâce à la télétransmission”.

Selon la CNIL, ces appareils permettront d’obtenir des “informations précises obtenues sur la consommation électrique de l’abonné permettant de déduire quelles sont ses habitudes de vie (heure de lever, heure de coucher…) ou même, dans des cas spécifiques, le type d’appareils utilisés”. Rapidement, pour tous les paranoïaques comme moi des craintes surgissent et inondent le front de sueur.

Actuellement, la grande mode est à la domotique. Les industriels essayent de nous vendre des chauffages qui communiquent entre eux ,qui s’enclenchent dès qu’on rentre dans son “home”. Des fours qui parlent et nous demandent ce que l’on veut manger, des frigos qui vous rappellent ce que vous devez acheter pour les remplir à nouveau…

Pour peu que ces appareils électroniques communiquent aussi avec les compteurs électriques, les systèmes autoritaires n’auront même plus besoin de mettre des postes de télévision qui regardent les habitants comme sous l’ère soviétique (d’après une blague de Coluche) pour nous surveiller.

Pour ma part, mon cerveau a fait tilt fin novembre un peu avant que la CNIL ne publie ses recommandations du 2 décembre 2010 pour l’utilisation des futurs compteurs électriques, tout ça parce que je suis propriétaire d’ un vélo électrique américain ! Ce vélo est un exemple, entre autres, de la volonté des industriels de nous la mettre bien profond. Il est vendu et produit en France par Matra qui a racheté le brevet à une entreprise canadienne ayant bénéficié de subventions de l’armée américaine, pour mettre au point un véhicule extrêmement léger et silencieux, afin de faire des explorations ou d’attaquer par surprise en terrain ennemi. Bref, ce vélo existe aux États-unis d’Amérique en deux versions, l’une avec une vitesse de pointe de 32 km/h et l’autre avec une vitesse de pointe de 48 km/h pour un poids total de 35 kg. La différence s’explique par une programmation informatique différente du moteur. Évidemment, ce vélo accélère comme un scooter. Alors que demander de plus à un véhicule urbain ? Le hic c’est que les vélos électriques vendus en Europe sont limités à 25 km/h et ont une puissance de 250 watts. Ces éléments sont un peu techniques, et ont peu d’importance. Ce qu’il faut retenir c’est que des lobbies s’organisent afin de ne pas développer les véhicules électriques ou de retarder leur développement. Ainsi, la commission européenne a refusé début novembre 2010 d’aligner les vélos électriques vendus en Europe aux normes américaines (ce sont des explications faites à gros traits de ma part)… Les cyclistes américains doivent être plus vifs que les européens..

En réalité, le principal objectif des lobbies est ailleurs et les compteurs intelligents d’EDF seront leur réponse. Les véhicules électriques ne permettent pas d’offrir une rente aux industriels, l’assemblage d’un tel véhicule est plus simple et rapide que ceux à moteur thermique. Ils nécessitent moins d’entretien. La seule difficulté technique se situe sur les batteries (d’après les industriels). C’est la pièce la plus chère du véhicule. La vraie difficulté est économique. La consommation est d’un euro pour les 100 kilomètres parcourus pour une voiture et pour un deux-roues, je pense que ça doit être autour de 25 centimes d’euro. C’est ici que le compteur électrique intelligent trouve tout son intérêt. Les industriels travaillent avec EDF pour donner un code à chaque voiture. Ainsi quand l’automobiliste branchera sa voiture sur n’importe quelle prise électrique reliée à un compteur intelligent, EDF sera en mesure de facturer l’automobiliste chez lui, sur son compte personnel.

EDF connaîtra alors tous nos déplacements. Certes, EDF s’en fout un peu : son objectif est de créer un nouveau tarif plus cher pour les véhicules électriques. Mais quand on voit l’utilisation qui est faite de fichiers soit disant “confidentiels”, et quand on sait que la CNIL n’est qu’une émanation du pouvoir de l’état, on peut imaginer ce que ça peut donner…Toutefois, je me refuse de participer à la mise en place d’un quelconque Big Brother et je ne veux pas que l’on sache ce que je fais. Je me refuse à être fliqué a priori. Pourquoi la société a besoin de savoir ce que je fais ? Bien que je n’ai rien à me reprocher, la société n’a pas à s’immiscer dans ma vie privée. Et une entreprise commerciale pas davantage.

Ces compteurs « communicants » peuvent de plus modifier la puissance de l’abonnement, voire couper l’alimentation électrique à distance, via une interface web : « Ces fonctionnalités devront être parfaitement sécurisées pour éviter toute utilisation frauduleuse » estime la CNIL, qui précise qu’on ne sait pas encore quelles seront les conditions d’installation des compteurs intelligents en France, s’ils seront par exemple obligatoires ou non. On comprend aussi très bien que les coupures électriques seront alors automatisées. Les agents d’EDF ne pourront plus faire de la résistance. Ils leur arrivaient parfois de ne pas couper quand ils constataient que le foyer était vraiment précaire. Une histoire d’être humains…
Pas de flics dans nos foyers !

Dean LEPHION