Après la journée de soutien aux travailleurs de Candia – Le Lude (72), le 8 décembre, quelle suite ?

La direction de CANDIA, à l’injonction du groupe SODIAAL, dont l’entreprise fait partie, ferme trois de ses huit usines en France, dont celle du Lude, en Sarthe (72).
Le samedi 8/12, les salariés de CANDIA, majoritairement syndiqués à la CFDT, appelaient à une opération ville morte, et à une manifestation à 14 h.
Des compagnons et compagnes du SI 72 – CNT-AIT sont allés apporter leur soutien à cette action, et à l’appel au boycott envisagé au début du mouvement de grèves et protestations.

Cet appel au boycott ne semble pas devoir être relancé dans l’immédiat par la CFDT. Les syndiqués attendent les résultats d’une expertise comptable, qu’ils ont demandée, et qui devrait démontrer la viabilité économique et la compétitivité ( !) du site. Ils mettent aussi beaucoup d’espoir dans les rencontres entre, d’une part, les élus de la municipalité, voire de la région, le ministre de l’Agriculture et de l’Agro – alimentaire, sarthois d’origine, et les directions tant de CANDIA que du groupe SODIAAL.

La fermeture de CANDIA serait une catastrophe pour le Bassin Ludois, déjà durement frappé par de récentes fermetures d’entreprises. La municipalité a consenti des aides budgétaires qui sont de véritables investissements : un château d’eau, une station d’épuration, extension de terrain… Fonds perdus pour la collectivité ?
Face à tout cela, les travailleurs de CANDIA se montrent révoltés, combatifs. Ils sont indignés, et tout le monde avec eux, du cynisme des dirigeants de SODIAAL, qui, se prétendant « solidaires de la terre et des hommes » dans leur communication publicitaire, se lavent les mains en déclarant « qu’ils ne sont pas des industriels ». Mais les salariés de CANDIA semblent aussi un peu attentistes, en étant bien confiants envers les politiques et les personnalités locales, dont leur ancien directeur, plus qu’un brin paternaliste… Cette stratégie est-elle à la mesure de la situation ? N’y a-t-il pas risque à se laisser dessaisir de la capacité d’initiative que peuvent avoir des travailleurs en lutte, en faisant trop confiance dans les politiques ?

Par ailleurs, il semblerait que certains salariés, sceptiques sur les actions menées jusqu’ici, seraient prêts à négocier leurs indemnités de licenciement. Chose dont le ministre Le Foll semble lui-même se préoccuper en priorité… Entérinerait-il la décision de fermeture ? Les éleveurs locaux, à qui la direction de CANDIA a promis de continuer à collecter leur lait, ne semblent pas se mobiliser solidairement. Or, au Lude, on ne se fait pas d’illusions sur ces promesses.

Avec tout cela, malgré ces éléments contraires, le rapport de forces n’est pas défavorable aux travailleurs de CANDIA. Rappelons que deux autres usines sont promises pareillement à la fermeture, à St – Yorre et à Villefranche. On peut escompter une solidarité de lutte entre les sites. Et il existe aussi un gros potentiel de solidarité réelle et active, dans la population ludoise, et sarthoise en général.

A défaut de boycott, on peut mener des opérations ciblées dans les villes où sont implantées les usines du groupe, devant leurs bureaux ou dans les rayons des centres commerciaux, etc. Des piquets de syndicalistes, de salariés et de personnes solidaires pourraient informer les acheteurs, et les appeler à envoyer leur protestation par tout moyen auprès des directions du groupe. Ces manifestations et ces pétitions auraient au moins le mérite d’élargir le cercle de la solidarité.
Nous avons l’exemple récent du succès d’une campagne de ce genre. Celle qui a été menée à l’initiative de la section anglaise de l’AIT contre les entreprises qui appliquaient la convention d’emploi non rémunéré de chômeurs pendant huit semaines, contre la promesse d’un contrat qui ne venait jamais. Petit à petit, ce mouvement oblige à embaucher des apprentis.

Mais sans doute mieux que cela, pour des salariés directement opposés aux intérêts financiers, qui veulent fermer une usine qui marche, il faut bien que leur résistance soit une action directe et active contre ces pouvoirs financiers.

Ils sont les mieux placés pour montrer la viabilité de leur usine, et la nécessité de leur production. Et pour cela, quoi de mieux que de se réapproprier l’outil de production et la production elle-même ?
Comment s’opposer à cette façon de mettre des travailleurs à la rue, si ce n’est par une réappropriation dès maintenant de ce qui appartient à ces mêmes travailleurs, qui sont pour la grande majorité ludois ? De ce qui appartient à la population ludoise tout entière aussi bien, au vu des investissements énormes consentis par la municipalité, et donc par tous les contribuables de la ville ? La direction n’a, elle, aucun scrupule à déposséder de leur moyens de subsistance des centaines de travailleurs et leurs familles, sans aucune considération. Faut-il respecter le droit qu’elle se prend de licencier abusivement ?

Des opérations de redistribution de produits CANDIA, symboliquement et légitimement remis aux services sociaux de la ville, par exemple, entre autres actions qu’on peut imaginer, provoqueraient des mobilisations solidaires certainement plus durables que des manifestations ou de simples débrayages.

Ce faisant, il ne s’agit pas de montrer que l’usine est compétitive. C’est peine perdue de vouloir donner des leçons aux capitalistes sur leur terrain, des capitalistes qui considèrent justement que de leur point de vue, la cause est entendue.
L’action solidaire des travailleurs et de ceux qui les soutiennent doit plutôt avoir comme but l’intérêt commun des salariés, de leurs familles, des consommateurs et de la population en général, qui bénéficie des retombées de leur activité économique.

Tous et toutes ont intérêt à défendre la poursuite de l’activité de CANDIA, même si c’était sans les patrons actuels, qui ont bien l’intention de poursuivre leurs propres activités, eux, sans leurs « collaborateurs » actuels, qu’ils entendent tranquillement laisser sur le carreau.
Mais certes, cela ne peut se faire sans une solidarité déterminée, active et vigilante de tous.

Fidèles aux principes de solidarité et d’auto – émancipation des travailleurs, le Syndicat Interprofessionnel de la Sarthe, de la CNT – AIT, se montrera solidaire de la lutte des travailleurs de CANDIA pour le maintien de leurs emplois.

Texte validé par le syndicat,
fait à Le Mans, le 11 décembre 2012